KTM RC8 1190 : L'essai complet
Un carénage intégral et deux guidons bracelets, c'est une révolution chez KTM ! Surtout lorsque les lignes taillées à la machette par le studio Kiska tendent vers une agressivité hors pair. Après s'être longtemps concentrée sur le tout-terrain, la firme autrichienne a investi le marché du roadster avec le succès que l'on sait. Mais aux gaillardes Superduke et SM, voici maintenant qui s'ajoute cette véritable hypersport, bâtie sur les fondamentaux de la marque. Cap au sud de l'Espagne pour ce premier essai du plus attendu des gros twins de la marque, cette fameuse RC8.
Le bicylindre de tous les records ?
Dans un paysage aride, la belle orange fait l'effet d'une boule de feu. Suivant la tradition des routières autrichiennes, la RC8 arbore un V-twin. Mais cette fois, le dernier bolide de la marque dénote dans la gamme autrichienne : finie la conduite aisée offerte par la coutumière position droite de ses soeurs au profit d'une posture plus radicale, peaufinée dans le moindre détail pour la piste. Faisons le tour du propriétaire, à commencer par l'habillage minimaliste. C'est même à cela qu'on la reconnait de loin et au premier coup d'oeil, sa selle en pointe de flèche est réduite à sa plus simple expression, les flancs de carénage n'étouffent pas plus la mécanique. Le bicylindre RC8 de seconde génération voit sa cylindrée portée à 1 148 cm3 par augmentation de la course et de l'alésage des pistons. Malgré les apparences, les culasses, l'entraînement primaire par chaîne, la boîte et le mode de lubrification s'avèrent nouveaux (voir "A retenir"). Sur le papier, KTM annonce 155 chevaux pour 188 kg à sec. Le bicylindre de tous les records ? Pas encore, puisque la Ducati 1098 revendique pour sa part pas moins de 160 ch. pour 173 kg. Mais oublions les chiffres pour enfourcher la Katapulte autrichienne...
"On n'est pas cassé après quelques kilomètres"
Aussi agressive semble-t-elle, la KTM LC8 se montre de prime abord moins exclusive que sa grande rivale italienne. Car le constructeur de Mattighofen a tout mis en œuvre pour que sa moto s'adapte au pilote et aux conditions de roulage. Ainsi, avant même les premiers tours de roues, il est possible d'ajuster rapidement la position des bracelets et des commmandes aux pieds, ainsi que la hauteur de la selle. L'amortisseur monté sur excentrique permet également de faire varier l'assiette. Aucun problème pour caser votre mètre soixante à quatre-vingt dix, pour la route ou le circuit : il suffit de demander. Pour notre part, nous commencerons par l'essai routier, 120 km de routes andalouses escarpées et tourmentées, tantôt façon billard, tantôt très bosselées. Le panard absolu ! Mais encore faut-il lever haut la jambe au moment d'enfourcher la RC8 afin de ne laisser aucune trace de botte sur le dosseret. Une fois en selle, avec le bâti en position basse, la hauteur redevient raisonnable : on ne sera pas cassé après quelques kilomètres, puisque l'appui du buste sur les guidons "relevés" et loin en avant reste raisonnable. La moto se tient naturellement entre les jambes tandis que le twin s'éveille doucement, l'échappement (gamelle) Underfloor se révélant particulièrement discret. La RC8 impressionne certes, mais d'emblée elle apparaît bien pensée. Mais même si sa boîte s'illustre par sa douceur, dans les ruelles de Ronda il faut logiquement garder deux doigts sur l'embrayage pour éviter les soubresauts. A 2 500 tr/min, le moteur ne rechigne plus. Et dès les premiers lacets à flanc de de montagne, la machine épate par sa facilité et sa grande maîtrise. Compacte malgré son gabarit de gros cube (c'en est un !), elle manifeste une étonnante neutralité. A 4 000 tr/min, la poussée se renforce sans débordement. Plutôt que du punch, les ingénieurs motoristes ont su lui donner de la présence. Et si les 155 chevaux ne paraissent pas encore là, il s'agit de la meilleure preuve de leur efficacité.
Avec deux doigts
Même en MotoGP ou en WSBK, les constructeurs cherchent à rendre leurs motos plus accessibles. Et contrairement à ce que laissait augurer son allure bestiale, la KTM adopte la même philosophie. Ainsi, il ne nous aura pas fallu longtemps pour la dompter. N'imaginez pas pour autant tirer ses rapports à 10 000 tr/min comme une fleur sur route ouverte... Car si le twin fait preuve d'allégresse, il se montre aussi, et comme tous les moteurs de sa caste, inexploitable dans les tours à moins d'être suicidaire ! Mais à rythme plus raisonnable, son caractère linéaire laisse tout loisir d'enrouler, sans besoin de le faire hurler. De quoi aussi permettre d'apprécier son châssis - cadre treillis conjugué à un bras caissonné - parfaitement rigide.
Bien étudiés, les miroirs basculants des rétroviseurs habités des clignotants à diodes informent d'éventuels, mais improbables poursuivants. Tout d'un bloc, la planche de bord électronique fournit une pléthore d'informations pour la route ou la piste, et encore plus en options (voir partie "A retenir"). Le compte-tours à barrettes s'avère malheureusement moins lisible que la température extérieure. La bulle demeure basse, comme il se doit. Et la moto se pilote... avec deux doigts ; facile et équilibrée, au risque de me répéter. On y est comme incrusté, tout en restant très mobile. Je me déplace sur la selle sans difficulté, mon buste épousant la bosse du réservoir que je redoutais proéminente. Contrairement aux roadsters et SM, on n'a nul besoin de charger l'avant à l'accélération. La RC8 ne cabre pas, emmaillotée qu'elle est dans un châssis homogène. Et lorsque les courbes d'une route de montagne se referment au-dessus d'un précipice vertigineux, il est toujours possible de prendre les freins sans transpirer. Les étriers radiaux monoblocs Brembo répondent instantanément et ne se montrent jamais violents. On doit juste faire attention à bien tirer sur le levier, à la limite, pour en extraire toute la quintessence.
L'amortisseur de direction veille
En quittant la Caretera de Ronda pour Cortès, l'asphalte est par endroits dégradé. Etroite et déformée, la route voudrait chahuter le motard qui se tient sur ses gardes. Certes, la moto semble moins à son aise que dans le rapide, mais les suspensions White Power, fourche et mono-amortisseur, assurent toujours une parfaite liaison avec le sol. Elles absorbent avec velouté les petits chocs en digérant les gros. D'une telle bienveillance, toutes les sportives ne peuvent pas se vanter. En ultime recours, l'amortisseur de direction veille. Aussi paradoxal qu'il soit, la partie-cycle de la déchirante (niveau look) KTM se montre donc conciliante. Au passage des bosses, la réponse de sa poignée de gaz l'est moins. Comme pour la récente 990 SM, l'injection qui répond à la moindre sollicitation envoie de désagréables à-coups à la transmission. Ce comportement devient vite pénible ! Autre fait remarquable, le trop court ergot du sélecteur qu'il arrive d'effleurer seulement peut provoquer de faux points morts.
Il faut "s'en occuper"
Après cette enivrante virée "montagnarde", retour dans les paddocks de l'écurie Ascaria. La piste ainsi nommée appartient à un milliardaire qui y a reproduit les plus beaux virages des plus grands circuits du monde. Elle nous offrira l'occasion de tester la RC8 dans les plus terribles et délicieuses conditions. Les machines mises à notre disposition ont été débarrassées de l'accastillage légal, rétroviseurs, feu et plaque d'immatriculation (une clef suffit). Avec le support de selle rehaussé de 20 mm, les repose-pieds ont été ajustés pour ne pas modifier l'entraxe. Les guidons au plus bas et le réglage d'assiette monté au maximum offriront un comportement plus joueur sur cette piste technique. La première obligation, avant d'y attaquer, demeure d'assimiler le difficile tracé. D'un "banking" à un fer à cheval, la piste idyllique se déroule sous les Marchesini de la nouvelle RC8. Jamais extrêmement incisive mais toujours sereine, la KTM ne réclame pas d'effort exagéré même si, comme tout gros bicylindre, il faut "s'en occuper". Son empattement de 1 430 mm se révèle identique à celui d'une 1098 pouvant paraître plus rétive. Le moteur offrant peu d'inertie pulse sans temps mort jusqu'à 10 000 tr/min. L'absence de coup de pied au c**, pardon de brutalité, est semble-t-il voulue puisque les cartographies modernes permettent d'adapter le caractère de la mécanique au bon vouloir de son concepteur. Si cette linéarité enlève un peu au panache, la cylindrée pardonne les mauvais choix de rapports. Mais sur le circuit, la nouvelle et onctueuse boîte aux pignons élargis peut encore se montrer imprécise. Quoi de plus désagréable alors que d'aborder un virage sur un (faux) point mort ? Et de rempiler un rapport qui pourrait bloquer la roue arrière, peut-être... L'Autrichienne ne disposant pas d'anti-dribbling, on pourrait le craindre ; mais soyez rassurés, l'habitude aidant, on verrouille mieux la boîte et le problème ne se pose plus. Le frein moteur du gros bicylindre se révélant moins important que prévu, il nuit par ailleurs très rarement à l'adhérence du tendre Pirelli Corsa (de 190). On apprend peu à peu à l'utiliser, à enrouler les virages sur la vitesse supérieure et à maintenir le twin entre 6 000 et 10 000 tr/min. La KTM RC8 se transforme alors en véritable balle, ou en élastique qui vous catapulte sans scrupule et dans un bruit feutré d'un virage à l'autre. Et finalement, il n'y a guère que ses vibrations que l'on puisse reprocher à la RC8. Elles se manifestent autour de 7 000 tr/min, dans les poignées et surtout les repose-pieds. C'est la confirmation pour les sourds et les bien entendants que son V-twin fourmille de vie !
Une gueule, et bientôt un nom ?
Avec le succès que l'on sait en GP moto, la conception d'une routière sportive s'inscrivait dans une démarche logique de développement de sa gamme. En réalisant d'office une Superbike homologuée, KTM a choisi de taper fort. Sa RC8 parait aussi véloce et plus agile dans les petits coins (à confirmer en comparatif) que l'essentiel de ses concurrentes. Affichée 16 250 €, elle se positionne sur le créneau des élitistes Ducati 1098, Aprilia RSV 1000 R Factory et BMW HP2 dont elle frôle les tarifs. Mais elle devra se faire un nom, puisqu'elle a déjà une gueule. Pour l'heure, ce premier contact avec le phénomène autrichien nous amène déjà son lot de vraies surprises : moins explosive que sa plastique le suggérait tout en proposant une efficacité de premier choix, la KTM apporte un peu de douceur dans un monde généralement peuplé de brutes. Les sportifs routards devraient se montrer très sensibles à cet argument, quant aux pistarsd purs et durs, ils trouveront ici quelques éléments de réponse, en attendant une prochaine confrontation... Restez connectés.
Par Philippe Chanin, photos Montero & Freeman
Un carénage intégral et deux guidons bracelets, c'est une révolution chez KTM ! Surtout lorsque les lignes taillées à la machette par le studio Kiska tendent vers une agressivité hors pair. Après s'être longtemps concentrée sur le tout-terrain, la firme autrichienne a investi le marché du roadster avec le succès que l'on sait. Mais aux gaillardes Superduke et SM, voici maintenant qui s'ajoute cette véritable hypersport, bâtie sur les fondamentaux de la marque. Cap au sud de l'Espagne pour ce premier essai du plus attendu des gros twins de la marque, cette fameuse RC8.
Le bicylindre de tous les records ?
Dans un paysage aride, la belle orange fait l'effet d'une boule de feu. Suivant la tradition des routières autrichiennes, la RC8 arbore un V-twin. Mais cette fois, le dernier bolide de la marque dénote dans la gamme autrichienne : finie la conduite aisée offerte par la coutumière position droite de ses soeurs au profit d'une posture plus radicale, peaufinée dans le moindre détail pour la piste. Faisons le tour du propriétaire, à commencer par l'habillage minimaliste. C'est même à cela qu'on la reconnait de loin et au premier coup d'oeil, sa selle en pointe de flèche est réduite à sa plus simple expression, les flancs de carénage n'étouffent pas plus la mécanique. Le bicylindre RC8 de seconde génération voit sa cylindrée portée à 1 148 cm3 par augmentation de la course et de l'alésage des pistons. Malgré les apparences, les culasses, l'entraînement primaire par chaîne, la boîte et le mode de lubrification s'avèrent nouveaux (voir "A retenir"). Sur le papier, KTM annonce 155 chevaux pour 188 kg à sec. Le bicylindre de tous les records ? Pas encore, puisque la Ducati 1098 revendique pour sa part pas moins de 160 ch. pour 173 kg. Mais oublions les chiffres pour enfourcher la Katapulte autrichienne...
"On n'est pas cassé après quelques kilomètres"
Aussi agressive semble-t-elle, la KTM LC8 se montre de prime abord moins exclusive que sa grande rivale italienne. Car le constructeur de Mattighofen a tout mis en œuvre pour que sa moto s'adapte au pilote et aux conditions de roulage. Ainsi, avant même les premiers tours de roues, il est possible d'ajuster rapidement la position des bracelets et des commmandes aux pieds, ainsi que la hauteur de la selle. L'amortisseur monté sur excentrique permet également de faire varier l'assiette. Aucun problème pour caser votre mètre soixante à quatre-vingt dix, pour la route ou le circuit : il suffit de demander. Pour notre part, nous commencerons par l'essai routier, 120 km de routes andalouses escarpées et tourmentées, tantôt façon billard, tantôt très bosselées. Le panard absolu ! Mais encore faut-il lever haut la jambe au moment d'enfourcher la RC8 afin de ne laisser aucune trace de botte sur le dosseret. Une fois en selle, avec le bâti en position basse, la hauteur redevient raisonnable : on ne sera pas cassé après quelques kilomètres, puisque l'appui du buste sur les guidons "relevés" et loin en avant reste raisonnable. La moto se tient naturellement entre les jambes tandis que le twin s'éveille doucement, l'échappement (gamelle) Underfloor se révélant particulièrement discret. La RC8 impressionne certes, mais d'emblée elle apparaît bien pensée. Mais même si sa boîte s'illustre par sa douceur, dans les ruelles de Ronda il faut logiquement garder deux doigts sur l'embrayage pour éviter les soubresauts. A 2 500 tr/min, le moteur ne rechigne plus. Et dès les premiers lacets à flanc de de montagne, la machine épate par sa facilité et sa grande maîtrise. Compacte malgré son gabarit de gros cube (c'en est un !), elle manifeste une étonnante neutralité. A 4 000 tr/min, la poussée se renforce sans débordement. Plutôt que du punch, les ingénieurs motoristes ont su lui donner de la présence. Et si les 155 chevaux ne paraissent pas encore là, il s'agit de la meilleure preuve de leur efficacité.
Avec deux doigts
Même en MotoGP ou en WSBK, les constructeurs cherchent à rendre leurs motos plus accessibles. Et contrairement à ce que laissait augurer son allure bestiale, la KTM adopte la même philosophie. Ainsi, il ne nous aura pas fallu longtemps pour la dompter. N'imaginez pas pour autant tirer ses rapports à 10 000 tr/min comme une fleur sur route ouverte... Car si le twin fait preuve d'allégresse, il se montre aussi, et comme tous les moteurs de sa caste, inexploitable dans les tours à moins d'être suicidaire ! Mais à rythme plus raisonnable, son caractère linéaire laisse tout loisir d'enrouler, sans besoin de le faire hurler. De quoi aussi permettre d'apprécier son châssis - cadre treillis conjugué à un bras caissonné - parfaitement rigide.
Bien étudiés, les miroirs basculants des rétroviseurs habités des clignotants à diodes informent d'éventuels, mais improbables poursuivants. Tout d'un bloc, la planche de bord électronique fournit une pléthore d'informations pour la route ou la piste, et encore plus en options (voir partie "A retenir"). Le compte-tours à barrettes s'avère malheureusement moins lisible que la température extérieure. La bulle demeure basse, comme il se doit. Et la moto se pilote... avec deux doigts ; facile et équilibrée, au risque de me répéter. On y est comme incrusté, tout en restant très mobile. Je me déplace sur la selle sans difficulté, mon buste épousant la bosse du réservoir que je redoutais proéminente. Contrairement aux roadsters et SM, on n'a nul besoin de charger l'avant à l'accélération. La RC8 ne cabre pas, emmaillotée qu'elle est dans un châssis homogène. Et lorsque les courbes d'une route de montagne se referment au-dessus d'un précipice vertigineux, il est toujours possible de prendre les freins sans transpirer. Les étriers radiaux monoblocs Brembo répondent instantanément et ne se montrent jamais violents. On doit juste faire attention à bien tirer sur le levier, à la limite, pour en extraire toute la quintessence.
L'amortisseur de direction veille
En quittant la Caretera de Ronda pour Cortès, l'asphalte est par endroits dégradé. Etroite et déformée, la route voudrait chahuter le motard qui se tient sur ses gardes. Certes, la moto semble moins à son aise que dans le rapide, mais les suspensions White Power, fourche et mono-amortisseur, assurent toujours une parfaite liaison avec le sol. Elles absorbent avec velouté les petits chocs en digérant les gros. D'une telle bienveillance, toutes les sportives ne peuvent pas se vanter. En ultime recours, l'amortisseur de direction veille. Aussi paradoxal qu'il soit, la partie-cycle de la déchirante (niveau look) KTM se montre donc conciliante. Au passage des bosses, la réponse de sa poignée de gaz l'est moins. Comme pour la récente 990 SM, l'injection qui répond à la moindre sollicitation envoie de désagréables à-coups à la transmission. Ce comportement devient vite pénible ! Autre fait remarquable, le trop court ergot du sélecteur qu'il arrive d'effleurer seulement peut provoquer de faux points morts.
Il faut "s'en occuper"
Après cette enivrante virée "montagnarde", retour dans les paddocks de l'écurie Ascaria. La piste ainsi nommée appartient à un milliardaire qui y a reproduit les plus beaux virages des plus grands circuits du monde. Elle nous offrira l'occasion de tester la RC8 dans les plus terribles et délicieuses conditions. Les machines mises à notre disposition ont été débarrassées de l'accastillage légal, rétroviseurs, feu et plaque d'immatriculation (une clef suffit). Avec le support de selle rehaussé de 20 mm, les repose-pieds ont été ajustés pour ne pas modifier l'entraxe. Les guidons au plus bas et le réglage d'assiette monté au maximum offriront un comportement plus joueur sur cette piste technique. La première obligation, avant d'y attaquer, demeure d'assimiler le difficile tracé. D'un "banking" à un fer à cheval, la piste idyllique se déroule sous les Marchesini de la nouvelle RC8. Jamais extrêmement incisive mais toujours sereine, la KTM ne réclame pas d'effort exagéré même si, comme tout gros bicylindre, il faut "s'en occuper". Son empattement de 1 430 mm se révèle identique à celui d'une 1098 pouvant paraître plus rétive. Le moteur offrant peu d'inertie pulse sans temps mort jusqu'à 10 000 tr/min. L'absence de coup de pied au c**, pardon de brutalité, est semble-t-il voulue puisque les cartographies modernes permettent d'adapter le caractère de la mécanique au bon vouloir de son concepteur. Si cette linéarité enlève un peu au panache, la cylindrée pardonne les mauvais choix de rapports. Mais sur le circuit, la nouvelle et onctueuse boîte aux pignons élargis peut encore se montrer imprécise. Quoi de plus désagréable alors que d'aborder un virage sur un (faux) point mort ? Et de rempiler un rapport qui pourrait bloquer la roue arrière, peut-être... L'Autrichienne ne disposant pas d'anti-dribbling, on pourrait le craindre ; mais soyez rassurés, l'habitude aidant, on verrouille mieux la boîte et le problème ne se pose plus. Le frein moteur du gros bicylindre se révélant moins important que prévu, il nuit par ailleurs très rarement à l'adhérence du tendre Pirelli Corsa (de 190). On apprend peu à peu à l'utiliser, à enrouler les virages sur la vitesse supérieure et à maintenir le twin entre 6 000 et 10 000 tr/min. La KTM RC8 se transforme alors en véritable balle, ou en élastique qui vous catapulte sans scrupule et dans un bruit feutré d'un virage à l'autre. Et finalement, il n'y a guère que ses vibrations que l'on puisse reprocher à la RC8. Elles se manifestent autour de 7 000 tr/min, dans les poignées et surtout les repose-pieds. C'est la confirmation pour les sourds et les bien entendants que son V-twin fourmille de vie !
Une gueule, et bientôt un nom ?
Avec le succès que l'on sait en GP moto, la conception d'une routière sportive s'inscrivait dans une démarche logique de développement de sa gamme. En réalisant d'office une Superbike homologuée, KTM a choisi de taper fort. Sa RC8 parait aussi véloce et plus agile dans les petits coins (à confirmer en comparatif) que l'essentiel de ses concurrentes. Affichée 16 250 €, elle se positionne sur le créneau des élitistes Ducati 1098, Aprilia RSV 1000 R Factory et BMW HP2 dont elle frôle les tarifs. Mais elle devra se faire un nom, puisqu'elle a déjà une gueule. Pour l'heure, ce premier contact avec le phénomène autrichien nous amène déjà son lot de vraies surprises : moins explosive que sa plastique le suggérait tout en proposant une efficacité de premier choix, la KTM apporte un peu de douceur dans un monde généralement peuplé de brutes. Les sportifs routards devraient se montrer très sensibles à cet argument, quant aux pistarsd purs et durs, ils trouveront ici quelques éléments de réponse, en attendant une prochaine confrontation... Restez connectés.
Par Philippe Chanin, photos Montero & Freeman
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