Kits chaînes moto : Tests comparatifs, entretien et théorie
Simple, à joints torique ou basse friction, il existe aujourd'hui diverses qualités de kits chaînes, dont les performances et la longévité dépendront aussi des bons soins que vous leur prodiguerez. Tout ce qu'il faut savoir sur le sujet.
La chaîne, et son équivalent la courroie crantée, permettent de relier deux engrenages trop éloignés pour être en prise directe. La chaîne transmet donc un effort de traction sur son brin tendu du pignon de sortie de boîte à la couronne située à environ 60 cm. Multiplié par le grand rayon de la couronne, cet effort va générer un "moment" de rotation (ou un couple) plus important qu'au niveau du pignon au rayon plus petit. Or, cette valeur de couple est la même à la couronne qu'à la roue arrière puisque celles-ci sont solidaires et de même axe de rotation. Ce couple important sur la roue motrice (arrière) et la masse relativement réduite des motos expliquent donc leurs reprises "canon", même en 6ème ! Bien sûr, en 5ème, 4 ème ou moins, la valeur de couple au niveau du pignon sera toujours plus grande, donc celles à la couronne et donc à la roue arrière seront augmentées dans la même proportion. Vous suivez ?
Les différents types de chaînes
La chaîne simple est la plus ancienne et sûrement la plus connue. A cause de son entretien plus difficile (et donc de son usure rapide) et des performances élevées des moteurs modernes, elle a disparu de la plupart des motos depuis longtemps. Elle subsiste cependant pour des raisons économiques sur les 50 cm3 et certaines 125 cm3. La chaîne simple n'en conserve pas moins un gros avantage : pas de frottements de joints puisqu'il n'y en a pas, donc pas de pertes ! Plus performante en valeurs brutes qu'une chaîne à joints toriques, elle reste donc très utilisée en compétition... où le rendement est primordial et la longévité secondaire.
La chaîne à joints toriques est apparue justement pour solutionner les problèmes de graissage des axes des rouleaux. En effet, pendant son fonctionnement, la graisse est rapidement chassée de cet endroit stratégique et il est difficile de la remplacer, ce qui entraîne une usure rapide de l'ensemble. Pour y remédier, les fabricants ont donc eu l'idée d'insérer un joint torique dit "O'ring" (car de section en O) entre ces axes et leurs plaques latérales. Prisonnière, à l'abri de l'eau, du sable et autres joyeusetés de la route, la graisse d'origine reste ainsi à sa place plus longtemps, soignant ainsi les axes et assurant donc une longévité accrue !
Cela dit, cette chaîne à joints toriques n'est toujours pas sans entretien : n'oubliez surtout pas de la nettoyer régulièrement puis de graisser les rouleaux extérieurs avec une graisse type boîte de vitesse SAE 80/90 EP, toujours sur les dents.
Lorsque la chaîne est trop encrassée, vous pouvez la nettoyer au pinceau en utilisant du gasoil, du fuel domestique, ou encore du pétrole désodorisé . Attention : Ne jamais utiliser d'essence ou à plus forte raison du trichloréthylène, au risque de détériorer les joints des axes ! Et prendre soin de protéger le pneu arrière des projections éventuelles en mettant un chiffon sur ce dernier.
Bien entretenue, une chaîne à joints toriques voit en moyenne sa durée de vie doubler, comparée à une chaîne simple, pour parfois dépasser les 50 000 km. Revers de la médaille, les frottements sont élevés, surtout à neuf avant rodage ! Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les efforts de flexion des brins proposés chez AFAM par exemple lors des salons moto ou mieux, de manoeuvrer la moto avant et après montage d'une chaîne sans joints toriques... En effet, une fois en mouvement, la chaîne doit se courber pour engrener harmonieusement sur le pignon et la couronne. Lors de cette rotation, les joints frottent entre les plaques internes et externes, freinant le mouvement en "mangeant" ainsi de la puissance ou, disons plutôt par les temps qui courent, augmentant votre consommation de carburant !
C'est justement pour cette raison qu'est apparue dernièrement la chaîne basse friction, qui se targue de réunir le meilleur des deux mondes : moins de frottements (donc moins de perte de puissance) et une bonne longévité. Mais comment donc ? Le secret réside dans la forme du joint - qui passe du modèle O'Ring au modèle X'Ring, soit d'une forme ronde à une forme en croix - et le choix des matériaux, soit du Nitrile pour le joint X'Ring. Bref, voilà donc un produit qui sur le papier en tout cas présente toutes les qualités. Reste encore à s'en assurer, mesure au banc à l'appui...
Chaîne, graisse, huile et usure
Une graisse est un lubrifiant onctueux : ce n'est pas une huile.
Une huile est liquide : elle coule, plus ou moins vite, mais elle coule.
C'est le cas de l'huile de boite de vitesse "SAE 80/90 EP"
En fait, d'après la terminologie, il s'agit, d'une huile de pont automobile (EP = Extrême Pression)
Une huile de boite est souvent plus fluide.
Une graisse, c'est 2 produits ; un savon et une huile. Le rôle du savon est d'absorber, comme une éponge, une huile. En fonction de la pression, de la capillarité, le savon recrachera son huile.
Un savon, c'est chimiquement le produit de la réaction d'un acide avec un corps gras, exactement, un savon métallique, résultat de la réaction d'un acide gras (stéarique, oléique) avec un hydroxyde métallique (calcium, lithium, sodium, aluminium, magnésium) ou lubrifiant. On parle de savon de lithium par exemple, les sels de lithium étant des lubrifiants solides. (Graisse filante de couleur jaune, apte aux grandes vitesses (pour une graisse) et aux faibles pressions.)
En conséquence, l'expression : "avec une graisse type boîte de vitesse SAE 80/90 EP" est impropre : dans ce cas, on devrait dire "huiler", ou plutôt, "lubrifier".
PS : l'huile est inappropriée à la lubrification d'une chaîne : elle va jouer le rôle d'un solvant en diluant la graisse. Résultat, la graisse sera éliminée du point où elle devrait être (autour de l'axe du maillon). Même si il y a des O-ring ou des X-ring, l'étanchéité est loin d'être parfaite. La tolérance requise pour une étanchéité par O-ring est de 1/100 de mm, ce qui est loin d'être la précision d'usinage d'une chaîne.
Seule une graisse solvantée, à très forte capillarité, permettra de s'insinuer à travers et malgré l'O-ring et gagnera l'axe du maillon. Le solvant s'évaporant (par diffusion), il subsistera la graisse, le solvant véhiculant la graisse.
Ce n'est ni la denture des pignons, ni les rouleaux qu'il convient de lubrifier. Il n'y a pas d'usure de l'un et de l'autre (en temps normal). En effet, autour des axes des maillons, il y a ce que l'on appelle des rouleaux. D'ailleurs la terminologie exacte de la chaîne de nos motos est "chaine à rouleaux" (la partie extérieure, souvent brillante après une pluie qui roule sur la denture des pignons). Il n'y a donc pas d'usure des rouleaux, si ceux-ci roulent bien. L'usure d'une chaine a deux sources :
- la première est l'usure entre l'axe et la partie cylindrique creuse d'un maillon. Lorsque la chaine tourne, il y a un frottement entre ces deux parties. Normalement, il ne devrait pas y avoir contact métal/métal, à ce niveau. La graisse, de par sa consistance, ses qualités d'extrême pression doit servir d'interface, de sorte que les surfaces "surfent" sur le lubrifiant.
Sous l'effet des pressions importantes (la tension exercée par le moteur sur une chaine se mesure en tonnes !), la graisse peut fluer, l'eau pénétrer, de sorte que le contact s'effectue directement de métal à métal. Il y a alors, arrachement métallique, au pire, une soudure. C'est le fameux point dur, pour un piston/cylindre, ce serait le serrage.
Dés que l'on entre dans ces zones, où la lubrification est imparfaite, il y a une modification de la géométrie des maillons : la chaîne s'allonge de par les jeux qui augmentent (l'usure). Le pas de la chaine varie, de sorte que leur enroulement ne se fait plus de façon optimale sur le pignon et la couronne. Sur une chaine usée, c'est clairement mis en évidence, le conformement de la chaine à la denture est approximatif, la chaine, passés les premier maillons, est décollée. La puissance ne passe plus que par quelques maillons, ceux-ci soumis à une contrainte encore plus forte, et la chaîne s'allonge d'autant plus.
- petit à petit, et c'est la deuxième cause d'usure, les rouleaux ne vont plus rouler sur la denture, mais riper sur celle-ci, entrainant une usure des dentures avec la forme que vous connaissez : "crête de coq" sur le pignon de sortie de boite et "dents de scie" sur la couronne.
Trouvons le moyen de toujours avoir des axes garnis de graisse, une interface optimale (à froid comme à chaud) et nous aurons des chaines inusables (ou presque) !
Nb : les chaînes de distribution, sous carter étanche et en bain d'huile sont bruyantes, mais quasi inusables.
Le comparatif des chaînes
La vérité sur les chaînes à joints toriques O'ring et X'ring basse friction
Difficile de conclure sur l'efficacité d'une chaîne sans réaliser au moins une mesure comparative au banc. Pour ce faire, nous avons opposé un kit chaîne à joints toriques classique (O'Ring) de marque Enuma à un autre modèle basse friction (X'Ring) du fabricant Prokit. La moto cobaye est une Kawasaki ZX-6R passée sur un banc Fuchs BEI 261 chez Alliance 2 roues (Montpellier).
Pour ce premier test, la moto est équipée de son kit chaîne d'origine, à savoir une modèle à joints toriques classiques de type Enuma EK MVXL 525 de 108 maillons et de 28 000 km, bien entretenu et encore en bon état. La mesure au banc est rondement menée :
Mesure ZX-6R avec chaîne à joints toriques : puissance 109,9 ch. à 12 629 tr/min et couple 6,8 mkg à 9 973 tr/min
Après la chaîne O'Ring standard, la "basse friction X'Ring" nous livre ses secrets...
Il reste à démonter l'ancien kit chaîne et à le remplacer par un ensemble Prokit EK + JT avec une chaîne 525 UVX (rouge !) basse friction pour une nouvelle mesure au banc. Les conditions météo quasi identiques devraient assurer une précision de mesure identique. Inconvénient, comme tout organe mécanique, la chaîne nécessite un rodage de 1 000 km environ. Ce premier essai se fait seulement après 30 km alors que la chaîne doit être encore assez "dure".
Malgré tout, la "Ninjette" crache 112 ch. à 12 482 tr/min avec 6,9 mkg de couple à 10 239 tr/min, soient 2,1 ch. et 0,1 mkg de plus ! Une performance déjà remarquable à mettre sans doute sur le compte des fameux joints X'Ring Quadra à faibles pertes du brevet EK. Le gain de 30 à 50 % sur les frottements d'une chaîne à joints toriques classiques semble donc se confirmer. Reste à réaliser un contre-essai 1 000 km après.
Rapide voyage dans le temps, la deuxième mesure est réalisée quelques semaines plus tard, après 1 000 km "tout rond" menés sur l'A9 locale : La Kawasaki ZX-6R, identique en tous points (et chaîne bien graissée !), repasse sur le même banc de mesure. Logiquement, les rouleaux et les plaques ont fait leur place, les joints X-Ring aussi, nous devrions logiquement obtenir un gain encore plus significatif... Le passage au banc va quelque peu contredire cette attente. Les gains de puissance et de couple ont diminué de moitié, avec 110,8 ch. constatés et un couple quasi identique. On peut penser que les joints X-Ring se sont vite rodé à cause de leurs points de contact réduits ? Ainsi, les surfaces de frottement auraient augmenté, entraînant des pertes équivalentes à celles des chaînes à joints toriques ? C'est en tout cas le constat qui ressort de ce test comparatif, les chaînes basse friction montrant finalement un gain moins significatif que nous l'espérions, mais suffisamment probant, en tout cas sur cet essai, pour mériter notre attention.
Le saviez-vous ?
- nous avons pu le mesurer sur le banc Fuchs : une chaîne correctement graissée permet de diminuer les pertes de transmission de 22,8 à 21,9 m.N et donc de récupèrer 0,8 cheval, soit presque 1 % de puissance dans le cas de notre Kawasaki ZX-6R de test !
- une chaîne de 520, cela signifie : 5 = pas de la chaîne ou distance entre 2 maillons consécutifs ; 20 = largeur de la chaîne
Tous nos remerciements à Alliance 2 roues et Fuchs pour leur aide technique
Pourquoi une chaîne s'use-t-elle ?
Plusieurs raisons à cela :
- conditions atmosphériques : la pluie "lave" la chaîne, donc elle enlève la graisse mais y colle la saleté de la route dont le sable, et cette "gadoue des routes" agit comme un puissant abrasif en l'abîmant très vite.
- absence de contrôle de tension : si la chaîne est trop tendue, comme elle les roulements de roues et surtout de l'arbre du pignon de sortie de boîte risquent de se déteriorer rapidement, avec de gros frais de réparation à la clé ! Trop détendue, elle va provoquer des à-coups et elle s'usera d'autant plus.
- absence de graissage : bien que la chaîne comporte des joints toriques O'Ring ou X'Ring, il faut graisser les autres éléments, couronne, pignon et extérieur de la chaîne (frottements secs = usure très accélérée).
- style de conduite : si vous faites des runs à chaque feu et autres acrobaties, les contraintes seront très importantes sur la chaîne. Une telle torture va rapidement la détendre puis la détruire...
Conseils de pro
Il vaut mieux se baser sur la fin de course du tendeur de chaîne et les dents de la couronne devenues pointues pour penser au remplacement du kit chaîne complet. En effet, au fil des kilomètres les composants du kit se sont rodés ensemble (chaîne, couronne, pignon). Si le pignon de sortie de boite est laissé usé en l'état, le fait de l'associer à une chaîne neuve par exemple va accélérer l'usure de cette dernière ! Une fausse bonne idée d'économie, en somme... Bref : dés que les réglages de tension de chaîne arrivent à bout de course, remplacez tout !
Si la chaîne ne doit pas être remontée, ce qui est le cas le plus souvent, on peut aussi meuler un maillon ou employer une dériveteuse pour démonter rapidement le tout. Le remontage est aussi rapide mais une attention particulière sera portée au rivetage du maillon de fermeture et au centrage de la roue arrière.
Avant de graisser une chaîne, n'oubliez pas de la nettoyer : rien ne sert de couvrir de graisse les saletés accumulées et hautement nuisibles ! Un nettoyeur haute pression à eau chaude est efficace mais les 80 à 120 bars risquent de faire pénétrer l'eau même avec des joints toriques ! Préférez donc un classique nettoyage au pinceau avec du pétrole de chauffage dit "sans fumée" ou lampant.
Si votre moto ne dispose pas de béquille centrale, un cric auto et la béquille latérale sortie peuvent dépanner pour permettre de tourner la roue dans le vide, nettoyer et graisser sa chaîne régulièrement.
Simple, à joints torique ou basse friction, il existe aujourd'hui diverses qualités de kits chaînes, dont les performances et la longévité dépendront aussi des bons soins que vous leur prodiguerez. Tout ce qu'il faut savoir sur le sujet.
La chaîne, et son équivalent la courroie crantée, permettent de relier deux engrenages trop éloignés pour être en prise directe. La chaîne transmet donc un effort de traction sur son brin tendu du pignon de sortie de boîte à la couronne située à environ 60 cm. Multiplié par le grand rayon de la couronne, cet effort va générer un "moment" de rotation (ou un couple) plus important qu'au niveau du pignon au rayon plus petit. Or, cette valeur de couple est la même à la couronne qu'à la roue arrière puisque celles-ci sont solidaires et de même axe de rotation. Ce couple important sur la roue motrice (arrière) et la masse relativement réduite des motos expliquent donc leurs reprises "canon", même en 6ème ! Bien sûr, en 5ème, 4 ème ou moins, la valeur de couple au niveau du pignon sera toujours plus grande, donc celles à la couronne et donc à la roue arrière seront augmentées dans la même proportion. Vous suivez ?
Les différents types de chaînes
La chaîne simple est la plus ancienne et sûrement la plus connue. A cause de son entretien plus difficile (et donc de son usure rapide) et des performances élevées des moteurs modernes, elle a disparu de la plupart des motos depuis longtemps. Elle subsiste cependant pour des raisons économiques sur les 50 cm3 et certaines 125 cm3. La chaîne simple n'en conserve pas moins un gros avantage : pas de frottements de joints puisqu'il n'y en a pas, donc pas de pertes ! Plus performante en valeurs brutes qu'une chaîne à joints toriques, elle reste donc très utilisée en compétition... où le rendement est primordial et la longévité secondaire.
La chaîne à joints toriques est apparue justement pour solutionner les problèmes de graissage des axes des rouleaux. En effet, pendant son fonctionnement, la graisse est rapidement chassée de cet endroit stratégique et il est difficile de la remplacer, ce qui entraîne une usure rapide de l'ensemble. Pour y remédier, les fabricants ont donc eu l'idée d'insérer un joint torique dit "O'ring" (car de section en O) entre ces axes et leurs plaques latérales. Prisonnière, à l'abri de l'eau, du sable et autres joyeusetés de la route, la graisse d'origine reste ainsi à sa place plus longtemps, soignant ainsi les axes et assurant donc une longévité accrue !
Cela dit, cette chaîne à joints toriques n'est toujours pas sans entretien : n'oubliez surtout pas de la nettoyer régulièrement puis de graisser les rouleaux extérieurs avec une graisse type boîte de vitesse SAE 80/90 EP, toujours sur les dents.
Lorsque la chaîne est trop encrassée, vous pouvez la nettoyer au pinceau en utilisant du gasoil, du fuel domestique, ou encore du pétrole désodorisé . Attention : Ne jamais utiliser d'essence ou à plus forte raison du trichloréthylène, au risque de détériorer les joints des axes ! Et prendre soin de protéger le pneu arrière des projections éventuelles en mettant un chiffon sur ce dernier.
Bien entretenue, une chaîne à joints toriques voit en moyenne sa durée de vie doubler, comparée à une chaîne simple, pour parfois dépasser les 50 000 km. Revers de la médaille, les frottements sont élevés, surtout à neuf avant rodage ! Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les efforts de flexion des brins proposés chez AFAM par exemple lors des salons moto ou mieux, de manoeuvrer la moto avant et après montage d'une chaîne sans joints toriques... En effet, une fois en mouvement, la chaîne doit se courber pour engrener harmonieusement sur le pignon et la couronne. Lors de cette rotation, les joints frottent entre les plaques internes et externes, freinant le mouvement en "mangeant" ainsi de la puissance ou, disons plutôt par les temps qui courent, augmentant votre consommation de carburant !
C'est justement pour cette raison qu'est apparue dernièrement la chaîne basse friction, qui se targue de réunir le meilleur des deux mondes : moins de frottements (donc moins de perte de puissance) et une bonne longévité. Mais comment donc ? Le secret réside dans la forme du joint - qui passe du modèle O'Ring au modèle X'Ring, soit d'une forme ronde à une forme en croix - et le choix des matériaux, soit du Nitrile pour le joint X'Ring. Bref, voilà donc un produit qui sur le papier en tout cas présente toutes les qualités. Reste encore à s'en assurer, mesure au banc à l'appui...
Chaîne, graisse, huile et usure
Une graisse est un lubrifiant onctueux : ce n'est pas une huile.
Une huile est liquide : elle coule, plus ou moins vite, mais elle coule.
C'est le cas de l'huile de boite de vitesse "SAE 80/90 EP"
En fait, d'après la terminologie, il s'agit, d'une huile de pont automobile (EP = Extrême Pression)
Une huile de boite est souvent plus fluide.
Une graisse, c'est 2 produits ; un savon et une huile. Le rôle du savon est d'absorber, comme une éponge, une huile. En fonction de la pression, de la capillarité, le savon recrachera son huile.
Un savon, c'est chimiquement le produit de la réaction d'un acide avec un corps gras, exactement, un savon métallique, résultat de la réaction d'un acide gras (stéarique, oléique) avec un hydroxyde métallique (calcium, lithium, sodium, aluminium, magnésium) ou lubrifiant. On parle de savon de lithium par exemple, les sels de lithium étant des lubrifiants solides. (Graisse filante de couleur jaune, apte aux grandes vitesses (pour une graisse) et aux faibles pressions.)
En conséquence, l'expression : "avec une graisse type boîte de vitesse SAE 80/90 EP" est impropre : dans ce cas, on devrait dire "huiler", ou plutôt, "lubrifier".
PS : l'huile est inappropriée à la lubrification d'une chaîne : elle va jouer le rôle d'un solvant en diluant la graisse. Résultat, la graisse sera éliminée du point où elle devrait être (autour de l'axe du maillon). Même si il y a des O-ring ou des X-ring, l'étanchéité est loin d'être parfaite. La tolérance requise pour une étanchéité par O-ring est de 1/100 de mm, ce qui est loin d'être la précision d'usinage d'une chaîne.
Seule une graisse solvantée, à très forte capillarité, permettra de s'insinuer à travers et malgré l'O-ring et gagnera l'axe du maillon. Le solvant s'évaporant (par diffusion), il subsistera la graisse, le solvant véhiculant la graisse.
Ce n'est ni la denture des pignons, ni les rouleaux qu'il convient de lubrifier. Il n'y a pas d'usure de l'un et de l'autre (en temps normal). En effet, autour des axes des maillons, il y a ce que l'on appelle des rouleaux. D'ailleurs la terminologie exacte de la chaîne de nos motos est "chaine à rouleaux" (la partie extérieure, souvent brillante après une pluie qui roule sur la denture des pignons). Il n'y a donc pas d'usure des rouleaux, si ceux-ci roulent bien. L'usure d'une chaine a deux sources :
- la première est l'usure entre l'axe et la partie cylindrique creuse d'un maillon. Lorsque la chaine tourne, il y a un frottement entre ces deux parties. Normalement, il ne devrait pas y avoir contact métal/métal, à ce niveau. La graisse, de par sa consistance, ses qualités d'extrême pression doit servir d'interface, de sorte que les surfaces "surfent" sur le lubrifiant.
Sous l'effet des pressions importantes (la tension exercée par le moteur sur une chaine se mesure en tonnes !), la graisse peut fluer, l'eau pénétrer, de sorte que le contact s'effectue directement de métal à métal. Il y a alors, arrachement métallique, au pire, une soudure. C'est le fameux point dur, pour un piston/cylindre, ce serait le serrage.
Dés que l'on entre dans ces zones, où la lubrification est imparfaite, il y a une modification de la géométrie des maillons : la chaîne s'allonge de par les jeux qui augmentent (l'usure). Le pas de la chaine varie, de sorte que leur enroulement ne se fait plus de façon optimale sur le pignon et la couronne. Sur une chaine usée, c'est clairement mis en évidence, le conformement de la chaine à la denture est approximatif, la chaine, passés les premier maillons, est décollée. La puissance ne passe plus que par quelques maillons, ceux-ci soumis à une contrainte encore plus forte, et la chaîne s'allonge d'autant plus.
- petit à petit, et c'est la deuxième cause d'usure, les rouleaux ne vont plus rouler sur la denture, mais riper sur celle-ci, entrainant une usure des dentures avec la forme que vous connaissez : "crête de coq" sur le pignon de sortie de boite et "dents de scie" sur la couronne.
Trouvons le moyen de toujours avoir des axes garnis de graisse, une interface optimale (à froid comme à chaud) et nous aurons des chaines inusables (ou presque) !
Nb : les chaînes de distribution, sous carter étanche et en bain d'huile sont bruyantes, mais quasi inusables.
Le comparatif des chaînes
La vérité sur les chaînes à joints toriques O'ring et X'ring basse friction
Difficile de conclure sur l'efficacité d'une chaîne sans réaliser au moins une mesure comparative au banc. Pour ce faire, nous avons opposé un kit chaîne à joints toriques classique (O'Ring) de marque Enuma à un autre modèle basse friction (X'Ring) du fabricant Prokit. La moto cobaye est une Kawasaki ZX-6R passée sur un banc Fuchs BEI 261 chez Alliance 2 roues (Montpellier).
Pour ce premier test, la moto est équipée de son kit chaîne d'origine, à savoir une modèle à joints toriques classiques de type Enuma EK MVXL 525 de 108 maillons et de 28 000 km, bien entretenu et encore en bon état. La mesure au banc est rondement menée :
Mesure ZX-6R avec chaîne à joints toriques : puissance 109,9 ch. à 12 629 tr/min et couple 6,8 mkg à 9 973 tr/min
Après la chaîne O'Ring standard, la "basse friction X'Ring" nous livre ses secrets...
Il reste à démonter l'ancien kit chaîne et à le remplacer par un ensemble Prokit EK + JT avec une chaîne 525 UVX (rouge !) basse friction pour une nouvelle mesure au banc. Les conditions météo quasi identiques devraient assurer une précision de mesure identique. Inconvénient, comme tout organe mécanique, la chaîne nécessite un rodage de 1 000 km environ. Ce premier essai se fait seulement après 30 km alors que la chaîne doit être encore assez "dure".
Malgré tout, la "Ninjette" crache 112 ch. à 12 482 tr/min avec 6,9 mkg de couple à 10 239 tr/min, soient 2,1 ch. et 0,1 mkg de plus ! Une performance déjà remarquable à mettre sans doute sur le compte des fameux joints X'Ring Quadra à faibles pertes du brevet EK. Le gain de 30 à 50 % sur les frottements d'une chaîne à joints toriques classiques semble donc se confirmer. Reste à réaliser un contre-essai 1 000 km après.
Rapide voyage dans le temps, la deuxième mesure est réalisée quelques semaines plus tard, après 1 000 km "tout rond" menés sur l'A9 locale : La Kawasaki ZX-6R, identique en tous points (et chaîne bien graissée !), repasse sur le même banc de mesure. Logiquement, les rouleaux et les plaques ont fait leur place, les joints X-Ring aussi, nous devrions logiquement obtenir un gain encore plus significatif... Le passage au banc va quelque peu contredire cette attente. Les gains de puissance et de couple ont diminué de moitié, avec 110,8 ch. constatés et un couple quasi identique. On peut penser que les joints X-Ring se sont vite rodé à cause de leurs points de contact réduits ? Ainsi, les surfaces de frottement auraient augmenté, entraînant des pertes équivalentes à celles des chaînes à joints toriques ? C'est en tout cas le constat qui ressort de ce test comparatif, les chaînes basse friction montrant finalement un gain moins significatif que nous l'espérions, mais suffisamment probant, en tout cas sur cet essai, pour mériter notre attention.
Le saviez-vous ?
- nous avons pu le mesurer sur le banc Fuchs : une chaîne correctement graissée permet de diminuer les pertes de transmission de 22,8 à 21,9 m.N et donc de récupèrer 0,8 cheval, soit presque 1 % de puissance dans le cas de notre Kawasaki ZX-6R de test !
- une chaîne de 520, cela signifie : 5 = pas de la chaîne ou distance entre 2 maillons consécutifs ; 20 = largeur de la chaîne
Tous nos remerciements à Alliance 2 roues et Fuchs pour leur aide technique
Pourquoi une chaîne s'use-t-elle ?
Plusieurs raisons à cela :
- conditions atmosphériques : la pluie "lave" la chaîne, donc elle enlève la graisse mais y colle la saleté de la route dont le sable, et cette "gadoue des routes" agit comme un puissant abrasif en l'abîmant très vite.
- absence de contrôle de tension : si la chaîne est trop tendue, comme elle les roulements de roues et surtout de l'arbre du pignon de sortie de boîte risquent de se déteriorer rapidement, avec de gros frais de réparation à la clé ! Trop détendue, elle va provoquer des à-coups et elle s'usera d'autant plus.
- absence de graissage : bien que la chaîne comporte des joints toriques O'Ring ou X'Ring, il faut graisser les autres éléments, couronne, pignon et extérieur de la chaîne (frottements secs = usure très accélérée).
- style de conduite : si vous faites des runs à chaque feu et autres acrobaties, les contraintes seront très importantes sur la chaîne. Une telle torture va rapidement la détendre puis la détruire...
Conseils de pro
Il vaut mieux se baser sur la fin de course du tendeur de chaîne et les dents de la couronne devenues pointues pour penser au remplacement du kit chaîne complet. En effet, au fil des kilomètres les composants du kit se sont rodés ensemble (chaîne, couronne, pignon). Si le pignon de sortie de boite est laissé usé en l'état, le fait de l'associer à une chaîne neuve par exemple va accélérer l'usure de cette dernière ! Une fausse bonne idée d'économie, en somme... Bref : dés que les réglages de tension de chaîne arrivent à bout de course, remplacez tout !
Si la chaîne ne doit pas être remontée, ce qui est le cas le plus souvent, on peut aussi meuler un maillon ou employer une dériveteuse pour démonter rapidement le tout. Le remontage est aussi rapide mais une attention particulière sera portée au rivetage du maillon de fermeture et au centrage de la roue arrière.
Avant de graisser une chaîne, n'oubliez pas de la nettoyer : rien ne sert de couvrir de graisse les saletés accumulées et hautement nuisibles ! Un nettoyeur haute pression à eau chaude est efficace mais les 80 à 120 bars risquent de faire pénétrer l'eau même avec des joints toriques ! Préférez donc un classique nettoyage au pinceau avec du pétrole de chauffage dit "sans fumée" ou lampant.
Si votre moto ne dispose pas de béquille centrale, un cric auto et la béquille latérale sortie peuvent dépanner pour permettre de tourner la roue dans le vide, nettoyer et graisser sa chaîne régulièrement.